Lettre de Pskov
- drgrijalvo

- 22 févr. 2022
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Dernière mise à jour : 23 févr. 2022

Il y a plus de 500 ans, une lettre adressée à Vassili le Grand, insistait sur la vocation spécifique du peuple russe et de Moscou comme troisième Rome, c’était en 1511 dans un petit Monastère situé au nord de Pskov.
C’est ainsi, que depuis ce monastère reculé , établi sur la route de Gdov, cette idée du destin Russe, formulée par le moine Philothée, depuis tout ce temps, n’a jamais cessé de parcourir la Russie, d’irriguer et de fertiliser la pensée de cette grande terre du milieu, se situant entre l'Orient, aux aspirations contemplatives et l'Occident, aux tendances actives et pratiques.
D’ailleurs, tout au long du 19ième siècle, n’y avait-il pas la certitude, de Tchaadaïev à Dostoïevski formulant son concept de Potchvennitchestvo, que de cette terre russe, devait naître une forme neuve capable de faire entendre sa voix dans le monde ?
Dans la pensée même des slavophiles, n’ y avait-il pas la conviction profonde que ce peuple, bien que ne semblant pas faire partie intégrante du concert des nations, n’existait finalement que pour donner quelques glorieux récitals au monde.
Dans les années 1830, Piotr Tchaadaïev décrivait dans ses lettres à propos du peuple russe que « l’enseignement qu’il est destiné a donner ne sera pas perdu assurément ; mais qui sait, le jour où il se retrouvera, au milieu de l’humanité, et que de misères, il aura éprouvé avant que sa destinée s’accomplisse ? »
Ainsi, depuis les premiers débats entre occidentalistes et slavophiles, de cette interrogation entre liberté et individualisme animant tout entier l’idéal du « sobornost » d’Alexeï Khomiakov, de cette foi profonde en l’être humain, dans ce dialogisme permanent cher à Bakhtine entre l’individuel et le national que l’on retrouve, de Vladimir Soloviev à Nikolaï Fiodorov et, par-delà même le 20ième siècle et jusqu’à aujourd’hui avec le renouvellement des concepts de « cosmisme », il est une certitude, que cette « Idée Russe », n’a finalement jamais quitté la terre de Russie.
D'ailleurs si les anglo-américains ont toujours essayé de promouvoir leurs modèles, tout autant dans le domaine des idées que de l’économie, tentant ainsi d’imposer leurs vocabulaires, leurs concepts, ainsi que leurs règles et leurs manières de faire, il n’en demeure pas moins que « l’idée russe » s’est toujours trouvée là, pour nous proposer avec plus ou moins de succès, d’autres alternatives.
Alors en ce début du 21ème siècle, au moment où désormais s’éloigne l’hypothèse d’une fin de l’histoire, tout autant que la mise en place d’un état universel et homogène dominé par les anglo-saxons, dans un monde subitement redevenu multipolaire, alors que les démocraties occidentales arrivent elles-mêmes à un moment de bascule, « l’idée russe » n’est- elle pas d’une brûlante actualité ? Comme le souligne Arseni Goulyga, ne sonne-t-elle pas l’appel à une renaissance ?
Pour un certain nombre d’entre nous, français et européens agissant avec sincérité au coeur de l’écono-sphère, nous avons décidé de suivre cette « idée russe » et d’entendre son appel, car nous avons l’intime conviction qu’aider la Russie a poursuivre sa propre voie de développement, loin de l’hégémonie anglo-américaine est, non seulement de notre devoir mais c’est aussi, par notre action tenter de contribuer au renforcement de la souveraineté des nations européennes.
En effet, nous sommes persuadés que cette idée russe, c’est-a-dire l’idée que la Russie a d’elle-même et de son devoir historique, qui lui demande comme le soulignait Vladimir Soloviev, d’appliquer toutes ses facultés nationales à la réalisation d’un idéal, ne peut s’accomplir séparée des autres nations.
En ces temps troublés, alors que l’idéologie occidentale s’épuise et tant à démontrer de plus en plus sa nocivité tout autant qu'une volonté d'assujetissement déraisonnable, il nous semble qu’une forme nouvelle de destin national, s’appuyant sur les apports constants de sa réflexion tout au long des siècles, si puissamment enracinée dans le passé, nous indiquant une voie possible, phare du monde comme la France a pu l’être en son temps, ne peut surgir que d’une terre qui n’a jamais été vaincue, ni vassalisée, ni totalement soumise.
Dès lors, suivre cette idée russe, tenter de participer à ce grand développement à venir, nous impliquer dans ce formidable projet, est pour nous un honneur mais surtout une chance historique d'échapper à notre domination .
Pskov
Le 22 / 02 / 2022







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